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D'une gestion étatique à un management privé

Augalu Centras est la plus grosse pépinière lituanienne. Sur 7 hectares, elle propose toutes les plantes qui poussent sous le climat difficile du pays.

Émanation de l'Institut de botanique de Vilnius, la pépinière Augalu Centras, en Lituanie, est aujourd'hui la propriété d'un important groupe financier. Une histoire « banale » dans ce pays devenu un État souverain...

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La Lituanie est l'un des deux pays baltes à avoir retrouvé son indépendance en 1991, au prix d'une lutte acharnée et pacifique contre la main mise de l'Union soviétique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Difficile pour un Occidental qui n'a pas connu cette « lutte pour la liberté » de comprendre l'histoire de ce pays de 3 millions d'habitants, riche d'une culture très forte et très axée sur la nature. N'y dit-on pas que les esprits des morts s'y réincarnent dans les arbres ?

Le souvenir de la période soviétique est encore très prégnant dans cet État qui aspire à vivre sa propre histoire. Il a fallu, vaille que vaille, faire avancer les affaires, souvent avec peu de moyens.

La pépinière Augalu Centras est un bel exemple de cette recherche de moyens. Elle est, en fait, une émanation de l'Institut de botanique de Vilnius. Faute de moyens financiers suffisants, ses responsables ont eu l'idée de créer cet espace à partir des collections dont ils disposaient. Les ventes aux particuliers et aux collectivités leur permettant de poursuivre leurs travaux.

Le système a perduré jusqu'à la fin 2010. Comme dans beaucoup de secteurs économiques lituaniens, la privatisation des activités s'est accélérée, en partie sous la pression des Occidentaux et de l'Union européenne. La pépinière a subi le mouvement. C'est Invalda, le plus grand groupe financier lituanien, qui s'en est porté acquéreur. Sa politique est d'acheter des sociétés qui font des pertes pour les relancer. Le groupe est plutôt spécialisé dans les entreprises du BTP. Pas grand chose à voir donc avec l'activité pépinière, mais un point commun tout de même : le jardin est une activité en devenir en Lituanie. Aujourd'hui, Augalu Centras est la plus grosse pépinière lituanienne. Sur 7 hectares, elle propose toutes les plantes qui poussent dans le pays, marqué par un climat difficile. La bonne saison pour le jardin s'étend du mois d'avril à celui d'octobre. Le reste du temps, le pays est recouvert d'une épaisse couche de neige. Le jardin entre alors en hibernation. Une seule parenthèse dans cette longue léthargie : la vente de sapins de Noël.

Augalu Centras s'est spécialisée depuis longtemps dans la production de conifères (pins, sapins, thuyas...), espèces bien adaptées au climat. Les jeunes plants étaient autrefois produits sur place. Ils sont maintenant achetés à l'extérieur. L'offre est complétée par des gros sujets qui viennent d'Allemagne le plus souvent. L'autre force de la pépinière, ce sont les vivaces. Augalu Centras possède la collection la plus importante de Lituanie avec environ quatre cents espèces différentes. La production se fait sur place, sous châssis, avec une technique singulière, puisque les plantes succulentes sont installées sur la partie élevée de la couche.

Faire survivre les plantes aux hivers difficiles

Le reste des végétaux, en particulier les arbustes en conteneurs, est acheté en Allemagne et aux Pays-Bas. Quelques-uns proviennent de Pologne. « Notre objectif est d'offrir un très large assortiment de végétaux », explique Inga Smirnoviené, la directrice de l'exploitation. « Et nous voulons aussi qu'ils soient disponibles en grande quantité. » La jeune femme sort d'une école de commerce : elle apprend le métier de la pépinière avec l'ancienne équipe (douze personnes), restée sur place, dont Vida Alekniene, la responsable commerciale. Tout l'art, sur cette exploitation, est de bien faire hiverner les différentes plantes. Les températures descendent jusqu'à - 15 à - 20 °C. La neige s'installe pour longtemps : elle peut casser les branches. Les plantes en conteneur sont rentrées dans des tunnels et les racines sont protégées du gel. Les gros sujets sont regroupés et serrés les uns contre les autres. Les tiges sont rassemblées autour des troncs avec des cordages.

Les plantes forment alors un bloc compact plus à même de résister à la neige et au froid. « Cela ne nous empêche pas d'avoir 5 à 7 % de pertes », fait remarquer Inga Smirnoviené. « Nous devons trouver de nouvelles méthodes de protection plus efficaces, car notre nouvel actionnaire est plus exigeant. » Reste qu'il est plus facile de protéger des végétaux sur un tableur que dans une pépinière... Augalu Centras fournit tout le pays. Essentiellement les paysagistes et les marchés publics. L'entrée de la Lituanie dans l'Union européenne a apporté des financements pour créer des jardins publics et privés. « Nous sommes partenaires d'une quinzaine de paysagistes qui emploient en moyenne cinquante salariés », précise Inga Smirnoviené. « Nous sommes aussi en contact étroit avec les principales collectivités pour lesquelles nous sommes très compétitifs dans les appels d'offres. »

Les prix de vente restent abordables pour un visiteur français. Mais plutôt élevé pour un consommateur lituanien, plus élevé en tout cas qu'en Pologne, pays voisin. Cela ne semble toutefois pas freiner les ventes. Les Lituaniens découvrent le jardin. Et les jeunes générations qui ont réussi ont les moyens d'investir. Le jardin décoratif est devenu un signe extérieur de richesse...

Patrick Glémas

Une équipeInga Smirnoviené (à gauche), directrice d'exploitation, et Vida Alekniene, responsable commerciale, managent une équipe de douze personnes.

Un symboleLes Lituaniens découvrent le jardin. Devenu symbole de réussite, il est aujourd'hui moins vivrier...

Une réalité... mais le moindre arpent de terre reste valorisé, et les fruits et légumes tiennent encore le haut du pavé.

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